Réponses aux Dernières Nouvelles d’Alsace
Nous avons été surpris, et même choqués, par l’article publié dans les Dernières Nouvelles d’Alsace le 6 novembre titré « Pendant qu’Erdogan éructe, la communauté turque joue l’apaisement en Alsace » sous la plume de votre journaliste Olivier Claudon.En effet, nous avons été stupéfaits par les approximations et les amalgames de l’article sans parler de son caractère très à charge.
Dans un contexte déjà difficile, il nous semble irresponsable de la part d’un journal aussi prestigieux que le votre d’ajouter de l’huile sur le feu, notamment en stigmatisant une communauté et ses représentants, qui font déjà l’objet de nombreuses attaques et discriminations en raison de leur origine ou de leur appartenance religieuse. Au moment où Amnesty International alerte sur le danger de l’islamophobie en France, alimenter les amalgames sur le plan médiatique ne peut en aucun cas améliorer la situation.
Les français d’origine turque sont pour leur grande majorité des gens responsables et respectueux des lois de la République. De plus, la communauté franco-turque contribue énormément à l’intérêt général, notamment sur le plan économique et entrepreneurial.
On peut tout à fait être des citoyens français à part entière tout en étant attachés à son pays d’origine et en ayant une double culture. Les Franco-turcs ont des sensibilités différentes concernant la politique turque, et ils sont plus à même que des commentateurs français d’expliquer la réalité de la Turquie dans sa complexité.
Nous sommes toujours surpris de voir des gens qui ne connaissent pas grand-chose au sujet et ayant une vision idéologique très hostile bénéficier d’autant d’espaces d’expression sans même que nous puissions leur répondre à égalité.
Or, l’association COJEP est citée et caricaturée dans l’article sans même avoir été interviewée pour donner son point vu, alors même que des militants pro-PKK (organisation considérée comme terroriste par la France et l’Union Européenne) ont eu la parole !
L’association COJEP a été créée dans les années 1985, bien avant l’arrivée au pouvoir d’Erdogan en Turquie, et n’a aucun lien structurel ou hiérarchique avec l’État turc. Les membres de l’ONG ne sont d’ailleurs pas tous d’origine turque et ont des sensibilités politiques différentes.
COJEP est membre du Conseil de l’Europe et de l’ONU et est notamment reconnue pour son travail contre les discriminations et la promotion de la diversité. Ainsi, qualifier COJEP « d’organisation pro-Erdogan » est complètement caricatural, réducteur et inapproprié.
De plus, l’ONG n’a strictement rien à voir avec les « Loups Gris » ni avec les actes isolés de quelques jeunes. On ne peut pas rendre responsable tout une communauté ou une organisation des actes isolés de quelques personnes.
Ce n’est pas la première fois qu’Olivier Claudon écrit des papiers à charge à notre égard, nourrissant ainsi la suspicion envers la communauté franco-turque de Strasbourg, au mépris de la déontologie journalistique, de l’objectivité et du sens des responsabilités. Il a d’ailleurs déjà été contesté à l’époque pour ses articles partiaux et stigmatisants par une association de locataire très active dans les quartiers populaires de Strasbourg, ALIS, ce qui laisse penser que M. Claudon a aussi un problème avec les franco-maghrébins et les habitants de banlieue. Un rassemblement avait d’ailleurs eu lieu devant les locaux de DNA pour contester les méthodes douteuses de ce journaliste.
Le traitement médiatique différencié est plus que déplorable car si des certains jeunes turcs, plus ou moins liés aux « Loups Gris », ont commis des actes délictueux, ils doivent être condamnés, mais cela ne doit pas servir à une surenchère médiatique contre les Turcs.
Des nationalistes kurdes ont aussi été condamnés par la Justice française, tout comme des nationalistes arméniens pour différents délits ou crimes (notamment des violences à l’égard d’associations franco-turques) sans que la même surenchère médiatique.
À titre d’exemple, l’an dernier 17 militants d’origine kurde à Strasbourg ont été condamnés par la Justice pour dégradations d’un bâtiment du Conseil de l’Europe, sans que M. Claudon n’écrive un article pour associer des associations strasbourgeoises réputées proches du HDP ou des comités pour la libération d’Öcalan, aux actes illégaux de quelques personnes.
On pourrait aussi citer l’exemple de militants arméniens à Strasbourg qui dans les dernières semaines ont tenu des propos ultra-nationalistes, appelant les franco-arméniens à aller combattre au Haut Karabagh ! Sans que la presse ne s’y attarde comme elle l’a fait pour les « Loups Gris » ou d’autres mouvances turques.
Pourquoi ce deux poids, deux mesures constant ?
Enfin, nous trouvons plus que déplorable qu’un journaliste ait pour source quasi unique concernant les Franco-turcs un fonctionnaire du service des cultes de Strasbourg ayant lui-même une vision orientée et à charge à notre égard.
La communauté turque de France n’a de problème avec aucune communauté.
Elle n’agit surtout pas comme les éléments d’un seul. Les multitudes de polémiques intracommunautaires prouve ces faits incontestablement.
Le fait de présenter la communauté turque comme des haineux alors que le plus grand problème vient du fait de la défense par les journalistes et les autorités des terroristes – rappelons le encore une fois reconnu par la communauté internationale- est une insulte aux franco-Turcs.
Le dénigrement systématique de Turcs de France ne contribue pas à l’apaisement de la société ni aux relations franco-turques si bénéfiques aux deux pays.
Nous sommes des Français issus de l’immigration turque qui ont bâti notre avenir en France.
Nous avons nos rêves, nos cultures, nos différences mais aussi nos ressemblances.
Ainsi, face à cet article à charge et caricatural de M. Claudon, nous demandons un droit de réponse en bonne et due forme, ce qui est légalement notre droit.
En vous remerciant de l’attention que vous accorderez à notre texte, veuillez agréer, Monsieur le rédacteur en chef, mes salutations distinguées.
Ali Gedikoglu
Le Président